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Histoire de Douze : Chapitre 7

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Headmoon's avatar
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L-5-A-3-E-18, le directeur de Rédemption, visionnait différents lieux de la ville au gré de ses envies, à l’aide de son bureau numérique. Assis à sur une chaise de verre, il ne s’arrêtait guère plus de quelques secondes pour voir ici et là quelques prisonniers se faire battre par des gardes, protégés par des sphères. Alors que personne ne se trouvait dans son bureau, L-5-A-3-E-18 en avait profité pour défaire légèrement son nœud de cravate noire qui le serrait trop.
Le défi était terminé depuis deux jours à présent. Si on pouvait appeler cela un défi. Des dégénérés mentaux faisant du skate dans un bidonville souterrain. Il en fallait peu pour que ce genre d’événements déborde. Et effectivement, le défi avait débordé. Un acte isolé dans la foule. Une personne qui avait écarté ses mains un peu trop pour toucher son voisin. Ça aurait pu être ça ou autre chose. Ils sont tellement prévisibles…
Tout s’était déroulé selon le plan. Les gros benêts du Gouvernement Mondial s’étaient montrés étrangement efficaces à ce sujet. Mais tout de même… Faire en sorte qu’une bagarre dégénère pour pouvoir isoler un maximum de « têtes pensantes », sans pour autant que cela paraisse suspect aux yeux des autres prisonniers… L-5-A-3-E-18 aurait presque pu crier « Chapeau l’artiste ! », s’il avait eu l’occasion de voir en personne les concepteurs de ce plan. Mais il n’avait toujours eu affaire qu’à un homme de second ordre…

L-5-A-3-E-18 s’arrêta quelques secondes supplémentaires dans la cellule d’isolement d’une prisonnière nommée A-12-18-I-19. Tournant en rond dans une camisole blanche, la jeune détenue ne semblait guère prêter attention à la petite caméra accrochée à l’un des angles de son étroite cellule. A-12-18-I-19 avait désormais la tête complètement rasée, comme tous les détenus qui se retrouvaient en isolement. Intrigué par l’aspect chétif de la prisonnière, le directeur se demanda alors pourquoi elle s’était retrouvée à Rédemption. Si bien qu’il décida d’ouvrir son dossier pour en consulter la raison.

Tout ça pour un bouquin ?... Pauvre femme…

D’ordinaire, il n’était pas tendre avec les prisonniers. Il ne pouvait se le permettre, surtout quand on a atteint les 101 987 détenus la semaine dernière. Mais c’était tout de même dommage pour cette citoyenne. « Mauvais timing », comme le disait un vieux proverbe du Nord. La barre des 100 000 était passée depuis un moment à présent, mais il y avait toujours quelques complications de dernière minute. Et de la paperasse à remplir ! Ah, ça, il en avait vu passé des documents officiels à signer, à envoyer en double exemplaire, voir plus…

Mais il faut dire que le projet était réellement dantesque.
Envoyer tous les prisonniers de la Planète Mère sur un autre monde. Tous, sans exception.
Et cette A-12-18-I-19 qui se trouvait dans le lot.

Devait-il faire une exception pour elle ?
Cette inconnue qu’il allait oublier d’ici quelques jours, tellement il avait de détenus à gérer ?
Non.
Il ne pouvait se permettre de faire le moindre écart. Ça commençait toujours comme ça. On avait de la compassion pour l’un d’eux, puis la rumeur se répandait comme une traînée de poudre. Et alors il aurait un plus gros problème encore…
Balayant l’idée d’un revers de main, suivi d’un large soupir, le directeur L-5-A-3-E-18 remit son nœud de cravate en bonne et due forme avant de zapper sur un autre lieu de sa prison.

***

Dans sa cellule blanche, Douze n’avait pas eu le temps de comprendre ce qui s’était passé. Le défi avait pourtant bien démarré. Les premiers skateurs des Poings Gantés avaient remporté leur duel face aux Piques de Fer. Tout le monde semblait s’amuser, oubliant pendant un court instant qu’ils se retrouvaient en prison...

Peut-être avait-ce été là leur erreur.

Personne n’avait remarqué que les sphères de surveillance avaient été désactivées, se retrouvant là comme si quelqu’un voulait qu’un incident se produise… Et comme sa poisse la poursuivait depuis quelques temps, il était normal qu’elle se retrouve parmi les prisonniers mis en isolement !...

Nom d’un Code Nom !...

A bien y réfléchir – puisqu’à présent il ne lui restait plus que ce loisir pour une période encore indéterminée – à partir de quand sa vie avait-elle pris un tournant qu’elle ne voulait pas ?...

Son enfance avait été sans histoire. Ni bonne, ni mauvaise à l’école. De même lorsqu’elle avait passé son service militaire. Elle aurait pu facilement se dire que son petit ami philosophe de l’époque avait été l’élément déclencheur de sa spirale infernale, mais elle se serait voilée la face.

Au fond d’elle-même, comme pour beaucoup de ses concitoyens, elle n’avait jamais aimé les mesures drastiques que le Gouvernement Mondial avait pris depuis plusieurs siècles à présent. Le fameux slogan « Tout en œuvre pour le bien de la Planète Mère », devenu avec le temps une quasi-religion interdite aux critiques. Alors, certes, il aurait été facile, même avec la technologie de l’époque, de changer de monde pour en trouver un plus propre que le leur. Mais l’orgueil de l’Humanité était tel que n’importe quelle solution était préférable plutôt que d’envisager celle-là.

Trop de déchets ? Pas de problèmes ! On les envoie dans l’espace !

Trop de prisonniers ? Pas de problèmes ! On les cachent sous terre où personne ne pensera à eux ! Et pourquoi pas après tous les envoyer eux-aussi dans l’espace ? Hein ? Au final, pour les citoyens ordinaires, se débarrasser de la « vermine » était une perspective plus attirante que de s’occuper de ses propres problèmes…

Une minute !...

Envoyer tous les prisonniers dans l’espace ?... Non… Ils n’oseraient jamais faire ça, n’est-ce pas ? Certes, la situation globale de la Planète Mère était préoccupante – au point d’enfermer une personne pour avoir lu un livre matériel au lieu d’un livre numérique – mais quand même ! Cela dit… Avec ce que Daf lui avait dit sur le fait que Rédemption pourrait être un gigantesque vaisseau…

Tu deviens folle, ma cocotte ! Reprends-toi !

Douze aurait voulu se frotter les cheveux, mais sa camisole blanche et son crâne rasé la ramena à la dure réalité du présent. Pour l’instant, ce qui devait la préoccuper ce n’était pas cette pensée saugrenue, mais plutôt comment sortir de cette… prison.

La jeune femme ne put s’empêcher de sourire en pensant à cette drôle de situation. Elle se retrouvait en prison dans une prison !

Prenant une grande respiration, elle s’assit en tailleur par terre. La salle était encore plus petite que son ancienne chambre. Entourée de toute part par du matelas blanc, Douze pouvait à peine s’allonger pour dormir. Du coup, cette position avait été la seule appropriée pour se reposer.

C’est donc ça vivre ?... Se laisser importer par les événements en sachant pertinemment que rien ne pourra les arrêter ?... Au final, est-ce que ça serait vraiment pire de se retrouver sur une autre planète, sachant que celle-ci nous a déjà condamné quoi qu’on fasse ?...

Perdue dans ses pensées, Douze se laissa sombrer dans un profond sommeil, jusqu’à ce que quelque ne vienne toquer à sa cellule.
Et voici le 7ème chapitre de l'histoire de Douze... On se rapproche petit à petit de la fin !

A bientôt !
Votre Serviteur,
H.
© 2015 - 2024 Headmoon
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Fruit-Sauvage's avatar
Et ben, quel surprise. la pauvre Douze semble s'enfoncer encore plus bas (au risque de se retrouver un jour bien haut, très très haut, trop haut !).

Très bon chapitre, fluide et agréable à lire ^^. Globalement l'histoire se laisse lire sans difficulté et reste plaisante à découvrir X).

Je te joins une liste de petites coquilles, mais rien de bien méchant X) :
- Assis [] sur une chaise de verre,
- Et comme sa poisse la poursuivait depuis quelques temps, il était normal qu’elle se retrouve [] parmi les prisonniers mis en isolement !...
- Elle aurait pu facilement se dire que son petit ami philosophe de l’époque avait été l’élément déclencheur de sa spirale infernale, mais elle se serait voil é[] la face.